15 oktober 2007

LA VIE EN PROSE


La vie en prose trés bien mais la vie sans prose c’est quoi qu’il me demande. Un bout de temps déjà qu’on marche vers ce soleil qui semble vouloir nous devancer dans les collines. Comme une orange, pas pressée.

On dira que c’est du cinoche que tu te joues je lui dis. Tu es tête d’affiche. Tu choisis tes partenaires. Ton histoire démarre très fort. Comme un conte merveilleux. Tout le monde t’adore. Enfin: si t'es tombé de ton astéroïde du bon côté de la planète. Comme le Petit Prince.

(Plutôt vers le nord. Et au nord plutôt vers l’ouest. Et à l’ouest plutôt dans le chaudron fortifiant de Panoramix, comme Obélix. Plutôt que dans la petite coquille fragile d’un certain gringalet nommé Calimero).

Le monde autour de toi se dévoile comme un gigantesque parc d’attractions. Avec des masses de jolies choses. Petit Papa Noêl jour après jour. Les cloches de Pâques à tous les coups. L’île aux trésors.

Aprés, ton film se fait plus compliqué. Il te faut apprendre à lire et écrire. Il te faut compter aussi. Surtout sur toi. Et gare à ta gueule à la récré. Parce que de fil en aiguille ton film tourne en western. Les bons devant, les méchants dans le dos. Qui te descendent sans prévenir.

Puis ton scénario vire à l’eau de rose. Tu te retrouves jeune premier. Beau, fort, très amoureux. Pour toi la vie va commencer. Ton film, c’est l’ histoire d’amour du siècle.

Mais très vite ta vie de famille devient ce long fleuve tranquille. Et avec le temps qui tue tout, les torrents approchent déjà. La passion s’effrite. L’éternel amour s’évapore en mille contraintes. Avec patience tu combats la routine. Tu t’inventes un nouveau scénario de film d’aventures. Prendre l’air. Mettre les voiles. Safari. Trekking. Voyage Voyage.

Tu veux à tout prix éviter que ton beau scénario de Papa Poule ne vire en film catastrofe. Un jour ça marche et tu sembles gagner la Palme d’Or. Un jour c’est le Grand Prix du Film d’Epouvante. L’horreur qui s'installe et remplace le bonheur. Puis, avec le temps va… Ah tu verras tu verras tout recommenceras.

Mais plus tu t’accroches à la vie, plus ton film semble aller vite. Comme du rafting sur les rapides du Colorado. Ton scenario semble presque tourner en film comique. Mieux vaut en rire. Deviendrais-tu cynique? (Je lui explique le mot: quand tu ne t'aimes plus, ni les autres). Tu te regardes dans la glace. Tu ne vois plus que Le Vieil Homme dans la Merde.

Ton film se fait de plus en plus muet. La plupart de tes partenaires et figurants ont disparu. Le coeur, le cancer, l’oubli de soi. Morts par arrêt de l’arbitre. Morts morts, morts vivants.

Les nouveaux figurants ne sont ni de ton age ni de ton temps. Tu ne t’y retrouves plus. Tu perds pied. Tu perds tes repères. Il semble que cela ne soit plus du tout ton film. Tout s’embrouille. Déjà au loin tu discernes en lettres troubles le mot:

FIN

Un film plutôt triste la vie, papou qu’il me sourit. Pas vraiment, mon petit moustique je lui dis. Tu vois ce beau soleil? Ici il se couche, là-bas il se lève. Pareil à la vie. Un jour avec, un jour sans. Pour moi le film touche à sa fin. Enfin presque. J’en suis à la dernière séance. Mais pour toi le cinémascope ne fait que commencer: en technicolor et Dolby Surround. Surtout dis-toi bien que tout n’est pas écrit d’avance. Tu peux changer le cours du scenario. Tu peux même en faire un film magnifique que tu me dédieras.

Ton titre: ‘Always look at the bright side of life’.

‘Padam,’ qu’il me rétorque. Démarrant en trombe. Vers l’orange presque pressée.

‘Padam! Padam! Padam!’

'La vie en prose.’‘Journal Intimide.’
Illustration: ‘Siena. Palio.’ (Mes barbouillages sur toile).
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