25 maart 2008

LA VIE EN PROSE


Comme d’autres léguent leur corps à la science, Hugo Claus a fait le don du sien à une philosophie de pointe de la mort. Au grand dam de ceux qui continuent à prôner la purification de l’âme par la souffrance d’une mort lente par coma sédatique et acharnement palliatif. Il faut avoir vu souffrir atrocement des proches pour savoir de quoi on parle.

L’immense écrivain Hugo Claus a choisi de voir la mort en face. Aidé par les remous des brébis , sa mort fait de lui désormais un exemple d’humanisation de fin de vie. La mort de Claus est à l’image de son oeuvre gigantesque et de son existence affranchie, libre et d’avant-garde. Son acte parachève sa vie si riche en créations diverses d’homme universel. Hugo Claus n’a pas attendu une ‘vie nouvelle et éternelle’ hypothétique. Lui, le joueur, n’a pas pris le pari si opportuniste et douteux de Blaise Pascal. De son vivant comme de son mourant il a choisi d’être un homme de Renaissance. Là cérémonie des adieux des amis précédant son départ me fait penser à Mon Oncle Benjamin de Jacques Brel. L’oncle qui met les voiles, célébrant la vie comme une fête de tous les jours. Quand la fête s’arrête, on n’allume pas les bougies: on souffle dessus.

Ainsi, comme l’explique Spinoza, la mort ne devient autre qu’une compagne fiable, qui donne à chaque instant la saveur de l’unique. Le temps passe, et nous avec lui. La mort n’est ni un futur, ni le terme de la vie, mais le paquet des souvenirs et la compagne de chaque instant.

Loin des querelles dans lesquelles se perdent déjà cardinaux, frères de misère et autres politiques (Claus écrasant l’infâme le jour même de Pâques, ça aurait du lui plaire beaucoup) la philosophie de la mort, pour Vladimir Jankelevitch, est une méditation à la vie. Voir la mort de face est la seule attitude qui l’envisage avec sérieux.

Jankelevitch: ‘Ce sont les croyants des religions qui ne sont pas sérieux. Il y a une grande différence entre les valeureux qui regardant la mort en face, vivent sans y penser et les lâches qui, regardant ailleurs, ne pensent qu’à ça.’

Les philosophies ne sont pas des points de vue, mais des points de vie. Des terres grasses oû fleurissent, même tige, le dogme et le doute.

Faut-il donc laisser vivre dans la souffrance inhumaine cette malheureuse Chantal Sébire, aveugle et défigurée monstrueusement, le visage ravagé par une tumeur et totalement perdue devant une médication s’avérant inopérante et donc infructueuse? (Il y a des cas dans lesquels les meilleurs soins palliatifs ne marchent pas, matière à réflexion de plus).

Faut-il vraiment l’obliger au suicide devant le refus d’une société trop rigide, pour la délivrer de ses souffrances?

Faut-il empêcher Hugo Claus d’être l’homme libre de ses choix. D’être le seul et unique et vrai Hugo Claus depuis toujours et jusqu’au bout?

Au nom de quel hypothétique salut duquel jamais personne n’est revenu? Au nom de quelles belles promesses de vie éternelle? (Et encore: le salut n’est pas donné à tout le monde, mais prédestiné aux élus du seigneur…voir le 'père d'église' Saint-Augustin)

Ce serait finir de croire en la terre des hommes de demain.

Terre des Hommes
Planète du Petit Prince

‘L’âge adulte est à la portée de tout le monde, mais l’enfance, le génie ingénu n’est accessible qu’aux grandes personnes qui savent regarder – simplement – ce qu’elles ont sous les yeux.’

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-‘Donner un sens à l’existence’. (Ou pourquoi le Petit Prince est le plus grand traité métaphysique du XXe siècle). Jean-Philippe Ravoux. Robert Laffont.
-‘La philosphie un jeu d’enfant.’ Raphaël Enthoven. Fayard.
-‘Filosofie’. Jeremy Stangroom. Uitgeverij M.
-‘Filosofie.’ Stephen Lauw. Unieboek Focus.

‘La vie en Prose’. ‘Journal Intimide’.
Illustration: ‘Un peu plus près des étoiles’.
Copyright Stef Vancaeneghem.