25 juni 2008

LA VIE EN PROSE


Si vous voulez mon avis, la cuisine française c’est une pitié. Autant de génie, de moyens, de ressources pour un résultat aussi lourd…Et des sauces et des farces et des pâtisseries à s’en faire péter la panse! C’est d’un mauvais goût…Et quand ce n’est pas lourd, c’est chichiteux au possible: on meurt de faim avec trois radis stylisées et deux coquilles Saint-Jacques en gelée d’algues, dans des assiettes faussement zen avec de serveurs qui ont l’air aussi joueux que des croque-morts.

Samedi, on est allés dans un restaurant très chic comme ça, le Napoléon’s Bar. C’était une sortie en famille, pour fêter l’anniversaire de Colombe. Qui a choisi les plats avec la même grâce que d’habitude: des trucs prétentieux avec des châtaignes, de l’agneau avec des herbes au nom imprononçable, un sabayon avec du Grand Marnier (le comble de l’horreur). Le sabayon, c’est l’emblème de la cuisine française: un truc qui se veut léger et qui étouffe le premier chrétien venu.

Moi, je n’ai rien pris en entrée (je vous épargne les remarques de Colombe sur mon anorexie d’emmerdeuse) et ensuite j’ai mangé pour soixante-trois euros de filets de rouget au curry (avec des dés croquants de courgettes et des carottes sous les poissons) et ensuite, pour trente-quatre euros, ce que j’ai trouvé de moins pire dans la carte: un fondant au chocolat amer.

Je vais vous dire: à ce prix-là, j’aurais préféré un abonnement à l’année chez McDo. Au moins, c’est sans prétention dans le mauvais goût. Et je ne brode même pas sur la décoration de la salle et de la table.

Quand les Français veulent se démarquer de la tradition ‘Empire” avec des tentures bordeaux et dorures à gogo, ils font dans le style hôpital. On s’assied sur des chaises Le Corbusier (de ‘Corbu’, dit maman), on mange dans la vaisselle blanche aux formes géométriques très bureaucratie soviétique et on s’essuie les mains aux W.C. dans des serviettes-éonges tellement fines qu’elles n’absorbent rien.’

‘L élégance du Hérisson’.(Pensée profonde n° 6). Muriel Barbery. Gallimard.

‘La vie en prose’. Journal Intimide.